Interview with Lilia Ben Romdhane
1. Lilia, durant cette résidence, dans quelles langues as-tu écrit et communiqué, et comment le changement de code entre les langues a-t-il influencé ta poésie? (Lilia, durante questa residenza, in quali lingue hai scritto e comunicato, e come il passaggio da una lingua all'altra ha influito sulla tua poesia?
La langue avec laquelle j’ai communiqué avec les habitants de Marsala était principalement le français, mais j’ai aussi parlé un mélange de français, d’italien et d’anglais. Le dialecte tunisien, je l’utilise surtout pour l’écriture, mais aussi quand je veux m’exprimer spontanément, par exemple pour dire « j’aime beaucoup », « je suis vraiment contente », « je suis fatiguée », « je me sens seule »...
Cette alternance n’a peut-être pas d’effet direct sur mes écrits, même si le dialecte tunisien est déjà un mélange de langues. Toutefois, je trouve intéressant de reconnaître, à travers les paroles d’un groupe de personnes, certains mots que nous utilisons à notre manière dans notre quotidien. Par exemple, les mots italiens « tenda », « giornata », « facciata », « vetrina » font partie de notre dialecte. J’ai aussi appris que Marsala (مرسى الله), le port de Dieu, ou Gibellina (الجبل الصغير), la petite montagne... La proximité entre la Tunisie et la Sicile, qu’elle soit géographique, historique, culinaire, culturelle et même économique à un certain moment de l’histoire, démontre que la frontière n’est qu’une illusion et que le lien est bien plus fort.
La lingua con cui ho comunicato con gli abitanti di Marsala è stata principalmente il francese, ma ho anche parlato un misto di francese, italiano e inglese. Il dialetto tunisino lo uso soprattutto per scrivere, ma anche quando voglio esprimermi spontaneamente, ad esempio per dire "mi piace molto", "sono davvero contenta", "sono stanca", "mi sento sola"...
Questa alternanza forse non ha un effetto diretto sui miei scritti, anche se il dialetto tunisino è già una mescolanza di lingue. Tuttavia, trovo interessante riconoscere, nel parlare di un gruppo di persone, alcuni termini che usiamo a modo nostro nella vita quotidiana. Ad esempio, i vocaboli italiani "tenda", "giornata", "facciata", "vetrina" fanno parte del nostro dialetto. Ho anche scoperto che Marsala (مرسى الله), il porto di Dio, o Gibellina (الجبل الصغير), la piccola montagna... La vicinanza tra la Tunisia e la Sicilia, sia dal punto di vista geografico, storico, culinario, culturale e anche economico in certi momenti della storia, dimostra che il confine è solo un’illusione e che il legame è molto più forte.
2. Peux-tu nous parler de l’atelier que tu as mené à Otium? Quels échanges avec les participants t’ont particulièrement marqué? (Puoi parlarci del laboratorio che hai tenuto ad Otium? Quali scambi con i partecipanti ti hanno colpito particolarmente?)
Mon atelier de poésie orale est un atelier expérimental où l’on passe de « vivre un quotidien » à « raconter le quotidien », puis à « poétiser le quotidien ». Les outils d’expression sont également au nombre de trois : le dessin, l’écriture et la performance.
L’idée est de procéder comme dans un jeu, en suivant simplement et de manière spontanée des consignes, afin qu’à la fin, chacun reparte avec un texte poétique. À travers cet atelier, je voulais démontrer que la poésie n’est pas un privilège, ni une exclusivité des personnes plus sensibles ou intellectuelles. Au contraire, la poésie est quotidienne et palpable; il suffit de la voir et de l’écrire sans craindre les jugements.
Les participants ont suivi ces consignes et chacun a plongé dans son univers, partageant avec les autres sa propre version du quotidien. Chaque participant s’est approprié l’exercice à sa manière et s’est exprimé de façon personnelle. Pour eux, le quotidien peut passer d’un ordinateur à une salade de tomates et basilic, ou à une balade quotidienne sur la mer, qui dure depuis des années. Les représentations imagées de ce quotidien peuvent prendre la forme de vues de dessus, de perspectives ou de vues de face.
Cette liberté fait également partie du processus de l’atelier, car il n’y a pas d’image, de mot ou de parole correcte pour raconter un quotidien. Ces moyens représentent notre perception, et c’est ce que je recherche: la perception du quotidien avec tout ce qu’elle porte en termes d’émotions, de souvenirs et d’états d’âme.
Il mio laboratorio di poesia orale è un laboratorio sperimentale in cui si passa dal « vivere un quotidiano » a « raccontare il quotidiano », fino al « poetizzare il quotidiano ». Anche gli strumenti di espressione sono tre: disegno, scrittura e parola.
L'idea è di procedere come in un gioco, seguendo semplicemente e in modo spontaneo le consegne date, in modo che alla fine ognuno possa tornarsene a casa con un testo poetico. Con questo laboratorio, volevo dimostrare che la poesia non è un privilegio né un'esclusiva di persone più sensibili o intellettuali. Al contrario, la poesia è quotidiana e palpabile; basta saperla vedere e scrivere senza temere i giudizi.
I partecipanti hanno seguito queste consegne e ciascuno si è immerso nel proprio universo, condividendo con gli altri la propria versione del quotidiano. Ogni partecipante ha fatto suo l'esercizio a modo proprio e si è espresso in maniera personale. Per loro, il quotidiano può passare da un computer a un'insalata di pomodori e basilico, o a una passeggiata quotidiana in riva al mare, che dura da anni. Le rappresentazioni immaginate di questo quotidiano possono essere viste dall'alto, in prospettiva o frontalmente.
Anche questa libertà fa parte del processo del laboratorio, perché non esiste un'immagine, una parola o un'espressione corretta per raccontare un dato quotidiano. Questi mezzi rappresentano la nostra percezione, ed è ciò che cerco: la percezione del quotidiano con tutto ciò che ne viene in termini di emozioni, ricordi e stati d'animo.
3. Quelle a été ta relation avec la communauté locale? Y a-t-il des rencontres ou moments partagés qui resteront gravés dans ta mémoire? (Qual è stata la tua relazione con la comunità locale? Ci sono incontri o momenti condivisi che rimarranno impressi nella tua memoria?)
Après trois semaines passées à Marsala, j’ai installé un quotidien, avec des espaces à fréquenter, des personnes à saluer et des boutiques dans lesquelles je fais mes achats. Mais les gens dans la rue n’arrêtent pas de me regarder et de faire des commentaires sur mes cheveux. Je ne me croyais pas aussi différente, car les villes sont de plus en plus mélangées aujourd’hui, et grâce aux réseaux sociaux, nous avons accès à l’ailleurs et à l’autre.
Dans les rues, j’écoute aussi beaucoup de paroles tunisiennes, mais souvent avec un ton agressif rythmé par des gros mots, ce qui me fait peur et me désole. Les jeunes tunisiens ici, personne ne les comprend, donc ils croient avoir le droit de parler fort et d’insulter, ce qui m’a poussée à me comporter comme quelqu’un qui ne comprend pas le tunisien et à les éviter.
À Marsala, comme dans toutes les petites villes, il y a cette proximité avec les gens : les serveurs dans les restaurants, les vendeurs dans les boutiques, les agents dans les administrations. Les personnes sourient, saluent et engagent une discussion spontanée. J’ai bien profité de l’art culinaire ; tout est bon : les pâtes, les pizzas, le café, les pâtisseries, et tout est accompagné d’un accueil chaleureux.
J’ai eu le plaisir de rencontrer les organisateurs et les artistes de la résidence. Nous avons eu des échanges intéressants sur plusieurs sujets, et cette rencontre m’a marquée tant sur le plan personnel que sur ma poésie. Le déroulement du workshop, les histoires et parcours personnels de chacun, la traduction des textes, la préparation de la performance finale, la possibilité d’une collaboration future... Et surtout, j’ai eu la chance de nouer une amitié avec l’artiste illustratrice romaine Adina Huțanu. Au cours de ce séjour, nous avons découvert que nous partageons plusieurs points communs en termes de réflexion, d’attitude et de sensibilité, malgré nos différences, car chacune porte en elle un héritage culturel différent.
Dopo tre settimane trascorse a Marsala, mi sono creata una routine quotidiana, con spazi da frequentare, persone da salutare e negozi in cui fare acquisti. Ma le persone per strada non smettevano di guardarmi e di fare commenti sui miei capelli. Non pensavo di essere così diversa, perché le città oggi sono sempre più miste e, grazie ai social media, abbiamo accesso all'altrove e all'altro.
Per le strade sentivo anche molte parole tunisine, ma spesso con un tono aggressivo e disseminato di parolacce, il che mi spaventava e mi rattristava. Qui, i giovani tunisini, nessuno li capisce, quindi credono di avere il diritto di parlare forte e di insultare, e questo mi ha spinta a comportarmi come qualcuno che non capisce il tunisino e ad evitarli.
A Marsala, come in tutte le piccole città, c’è la tipica vicinanza con le persone: i camerieri nei ristoranti, i venditori nei negozi, gli impiegati negli uffici. Le persone sorridono, salutano e avviano conversazioni spontanee. Ho ben approfittato dell'arte culinaria; tutto è delizioso: la pasta, la pizza, il caffè, i dolci, e tutto è accompagnato da un'accoglienza calorosa.
Ho avuto il piacere di incontrare gli organizzatori e gli artisti della residenza. Abbiamo avuto scambi interessanti su vari argomenti e questo incontro mi ha colpita sia a livello personale che poetico. Lo svolgimento del workshop, le storie e i percorsi personali di ciascuno, la traduzione dei testi, la preparazione della performance finale, la possibilità di una collaborazione futura... E soprattutto, ho avuto la fortuna di stringere un’amicizia con l'artista illustratrice rumena Adina Huțanu. Durante questo soggiorno, abbiamo scoperto di avere diversi punti in comune in termini di riflessione, atteggiamento e sensibilità, nonostante le nostre differenze, poiché ciascuna ha dentro di sé un retaggio culturale diverso.
The interview was conducted with Tunisian poet Lilia Ben Romdhane in French, then translated to Italian by Adriana Oniță and Nicolò Messina. Published with the author's and translators’ permission. Copyright © 2024 by Lilia Ben Romdhane.
Lilia Ben Romdhane is an architect and poet whose work explores the social and political dimensions of using Tunisian Arabic, and creating poetic projects within urban spaces. In 2011, she joined Street Poetry, a collective of young writers using the Tunisian dialect and organizing street readings to reclaim and democratize public spaces. Through music, theater, slam, and poetry, Lilia has been actively involved in the post-revolutionary movement to reappropriate public spaces. She has also led several writing and architecture workshops for children. Since 2016, she has been a member of the Corps Citoyen collective, contributing to numerous projects across Tunisia and Europe, including Matera Città Aperta (Italy, 2019), Commons Gabès (2019), Cartographie du Désir (2018), Kabinett des Imaginaires (2018), El Aers - The Wedding Project (2017), A petits pas (2021, with the Albadil association), Memory-Catcher (with Le Collectif), and The Rain Might Fall (with La Boite Un Lieu d’Art Contemporain, 2023).
What is Otium?
Otium is a cultural center founded in 2013 by Barbara Lottero in Marsala, Italy, fueled by the idea that books and reading are essential to our humanity. It was created as a welcoming space for people to come together and freely explore cultural topics in an informal way.
Over the past eleven years, Otium has grown and evolved while staying true to its core mission: promoting reading as a pathway to personal and social growth. Otium manages a social grassroots and accredited library, a bookshop, and event space. In the last decade, Otium has hosted 242 events, covering everything from books, music, and theater to food and wine tastings, educational projects, and creative workshops.
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